Mulhouse est la ville natale d’un génie européen unique, Jean-Henri Lambert, savant et philosophe, esprit universel en plein siècle des Lumières. Membre de l’Académie des sciences de Berlin, section Physique, de 1765 à sa mort en 1777. Il naquit en 1728, dans une famille d’artisans, le père était tailleur et Johann, le fils aîné, devait lui succéder.
Il n’avait pas douze ans, quand il inventa par la géométrie une méthode qui économisait l’étoffe que l’on coupait pour des chemises. à dix-huit ans, il gagna Bâle, engagé comme secrétaire par le juriste et historien Johann Rudolf Iselin. Deux ans plus tard, sur recommandation, il entra comme précepteur au service de la famille du comte von Salis à Chur. Il parcourt ensuite, l’Allemagne. Ce sera à Berlin que finalement il s’installera et s’imposera.
Sa mise au point des systèmes de projections qui seront appliqués pour des atlas et des cartes d’état-major, sa trigonométrie sphérique, ses techniques photométriques, sa théorie des comètes et sa cosmologie (exposées dans ses Cosmologische Briefe, 1761) le rendront célèbre parmi les savants, mathématiciens et astronomes. On lui doit aussi une démonstration du caractère nécessairement infini du nombre pi.
Une sorte d’affinité curieuse apparaît, aux yeux des historiens, entre la personnalité de Lambert, le profil de ses oeuvres scientifiques, riches d’applications techniques, et certaines caractéristiques de sa ville natale. On le présente comme « un symbole de Mulhouse ». à l’occasion du premier centenaire de sa naissance, la municipalité lui fit ériger une statue, la « colonne Lambert » surmontée d’un globe terrestre figurant la carte du ciel.
Pour caractériser sa philosophie, il a inventé le mot «Phénoménologie», qui ne connaîtra une grande fortune compliquée qu’avec Husserl au début du XXe siècle. Lui, Lambert, entendait par là assez simplement que la tâche rigoureuse des savants est d’observer, de décrire et de mesurer les phénomènes, les « choses mêmes ».
L’incontestable connaisseur, le grand spécialiste de la vie et des travaux scientifiques de Jean-Henri Lambert s’appelle Roger Jaquel, qui fut professeur d’histoire et de géographie au lycée de garçons de 1945 à 1968. Le fonds «Lambert» à la Bibliothèque de Mulhouse est un fonds Jaquel. Il avait légué par voie notariale toute sa documentation, près de 2000 ouvrages et dix sacs de fiches de toutes sortes, manuscrits, tapuscrits et reproduction de coupures de presse.
Quelle pouvait être la nationalité de ce « Leibniz alsacien». Trois nations réclament sa gloire : la France, la Suisse et l’Allemagne. Il faut faire l’effort intellectuel de se placer à une époque pré-nationale de l’Europe, son identité n’était en aucune façon « nationale» et le plus honnête en définitive est de l’identifier comme «savant et philosophe mulhousien».