Strasbourg avait son Bàrabli, Mulhouse a toujours son Herra n Owa , « Soirée des Messieurs », qui vient de fêter ses 110ans au Cercle « Lucien Dreyfus » du Théâtre Alsacien de Mulhouse.
Revue carnavalesque s’il en est, dont l’objectif est :
– la satire politique , comme chez nos amis suisses et allemands , la critique par le rire étant de mise au Carnaval,
– le sexe et la transgression du déguisement des hommes en femmes , communs à de nombreuses traditions carnavalesques de par le monde.
Ce spectacle donné depuis le 12 février 1910 par des hommes pour des hommes ( souvenons-nous des temps lointains où les femmes n’accédaient pas au théâtre ) et écrit en alexandrins, aurait pour origine les « Pasquill (mot italien signifiant injures) , Schmäschrift auf die Obrikeit, pamphlets adressés annuellement à la classe dirigeante au 16ème siècle dans notre région et écrits en vers.
Les femmes du Théâtre Alsacien de Mulhouse, interdites de HO, ont d’ailleurs répondu à tant de mysoginie en créant le Dàma n Owa , sur le même modèle.
Conçu au départ pour les « Herra « , les Messieurs, le HO a suivi la pente du mépris mulhousien pour l’alsacien et a été considéré longtemps comme un spectacle vulgaire avant de redevenir chic , même incontournable, pour tout homme politique qui se respecte , dialectophone ou non … Finalement ce symbole de Mulhouse a fini par constituer un assez bel exemple de mixité sociale, tout le monde se retrouvant dans le rire, un rire pouvant aussi être porteur de messages : Tony Troxler, qui a partagé la rédaction des HO plus de 40 ans avec Freddy Willenbucher et Seppala Schmitt, l’a utilisé pour sauver la fresque murale historique du Bollwerk par exemple…
La situation était parfois tendue, mais jusqu’à récemment – un des dessins satiriques qui ornent le mur du Cercle pendant les représentations a été supprimé – la censure n’avait jamais frappé le HO… Signe des temps ? Comme la mise en danger de sa qualité intergénérationnelle, souffrant de la méconnaissance du dialecte des jeunes générations ….
Le si riche vocabulaire érotique des HO, repris par Christian Ketterlin et Daniel Pfister, saura-t-il intéresser de jeunes enseignants et étudiants ? Ce serait mérité ….
« Ce qu’il y dans les galeries souterraines de l’alsacien, comme dans toute langue en fait, d’insolent, d’impudent, d’impudique, de sauvage, de voyou, de licencieux, d’àrschig, éclatait en gerbesdans les revues du Herra-n-Owa, mais sublimé, transcendé par les jeux poétiques des rimes et de l’alexandrin. » Jean-Paul Sorg – Mulhouse, l’esprit de Tony Troxler – 2018 .
Evelyne Troxler
Auteur Schick