Notre association, qui a plus de 40 ans d’activité est dans la force de l’âge. Son message fondamental n’a cependant pas vieilli. Le présent document a pour objectif de présenter nos vues et nos propositions.
L’esprit de notre mouvement est parfaitement symbolisé par le grand écrivain dont elle porte le nom : René Schickele. C’est un objectif d’ouverture vers les deux mondes culturels français et allemand, une ambition de qualité, un esprit progressiste sans engagement partisan mais avec une conscience forte des implications politiques de l’action culturelle, dans le cadre de la défense des identités alsacienne et mosellane, sans folklorisme et sans passéisme, dans une volonté de dépassement de toute forme de nationalisme et dans une perspective européenne et humaniste.
Notre langue régionale
Comme cela est reconnu par les autorités académiques, notre langue régionale est l’allemand dans la forme des dialectes alémaniques et francique comme du Hochdeutsch.
Comme pour les Suisses, les Luxembourgeois et les Belges des cantons de l’Est et les Autrichiens, la désignation de notre langue commune allemande n’a pas d’implication politique ou étatique. Nous sommes des « germanophones français ». Les exemples donnés par nos voisins suisses et luxembourgeois démontrent que la dimension dialectale de la langue s’épanouit d’autant mieux que ses liens avec la langue standard sont plus solides.
L’allemand est aussi la langue du Rhin supérieur et la clé d’ accès à la culture germanique qui avec la culture française, la culture germanique fait partie de cette région au même titre que la nappe phréatique rhénane et les vallées vosgiennes. Elle constitue aussi un patrimoine pour les « nouveaux Alsaciens », c’est à dire pour ceux qui, originaires d’autres régions françaises ou d’autres pays, même lointains, ont décidé de vivre leur destin dans cette région et de s’y identifier.
Bilinguisme et double culture
Sans méconnaître le rôle et la richesse des traditions populaires, la véritable originalité de l’Alsace réside depuis des siècles, non pas tant dans des traditions propres que dans la rencontre des deux cultures latine et germanique caractéristique du bassin rhénan Contre les forces qui ont successivement voulu imposer l’une de ces langues contre l’autre, nous voulons préserver la dualité linguistique et culturelle qui expriment notre vraie personnalité régionale. Cette dualité n’est aujourd’hui plus une contradiction mais une chance. Elle nous permet de comprendre et de participer intimement à deux univers intellectuels.
La langue n’est pas un simple système de communication. Elle est étroitement liée à une culture. Trop souvent aujourd’hui, le terme culture est confondu avec « activités culturelles », c’est à dire avec des animations de loisirs et de divertissement. Lorsque nous utilisons le terme culture, nous voulons parler d’un ensemble de valeurs et d’option qui nous animent. La culture régionale est ce qui permet à la société régionale de s’approprier son histoire, de renforcer le sentiment de communauté et de construire un projet pour l’avenir.
A l’image du grand Alsacien qu’a été Albert Schweitzer, la culture que nous identifions avec l’Alsace est faite de préoccupations spirituelles et humanistes, de respect de la vie et de la nature , de sens des responsabilité et de la valeur du travail, de solidarité active et de souci de l’autre, d’ouverture sur le monde et de respect des différences. Nos prédécesseurs parlaient de elsässische Geistesart. Nous n’avons pas une vision passéiste de cette personnalité régionale. Elle peut redevenir une richesse pour tous dans le contexte européen qui est désormais le nôtre. Nous avons le devoir de promouvoir cette dimension originale tout en l’ouvrant à de nouvelles influences.
Politiques
Notre engagement pour la langue régionale nous conduit à mettre en avant des critères « politiques », même s’ils n’ont le plus souvent pas de caractère partisan.
Nous faisons le constat que l’engagement dans notre région pour la langue et la culture régionales telles que définies précédemment n’est clairement pas à la hauteur des enjeux. Contrairement à ce qui se fait dans d’autres régions d’Europe, il n’y a pas de politique globale, fondée sur un constat précis, des objectifs clairs et des moyens significatifs.
Notre association a élaboré et propose un plan d’ensemble de promotion de la langue et de la culture régionale comportant des actions dont beaucoup pourraient déjà être décidées par les collectivités territoriales d’Alsace dans le cadre de la législation actuelle.
Bien commun à toute la région, c’est-à-dire à tous les habitants de la région, la langue régionale doit se voir reconnaître un statut public qui exprime le caractère de patrimoine culturel que lui reconnaît désormais la Constitution.
L’enseignement intensif en langue régionale pour toutes les familles qui le demandent doit être l’instrument essentiel d’apprentissage de la langue régionale. Comme dans d’autres régions, l’expérience montre qu’un tel enseignement est efficace et sans effet défavorable sur la connaissance de la langue française, tout en constituant un excellent tremplin vers l’acquisition d’autres langues. Notre région a besoin d’un modèle pédagogique qui permet à ceux qui le souhaitent l’acquisition d’une parité de compétences entre le français et l’allemand. Une langue ne peut vivre et survivre que si elle bénéficie d’un emploi dans tous les domaines de la vie. Elle doit avoir sa place, avec le français, dans la vie publique économique culturelle et dans les médias.
Le renforcement significatif de la démocratie locale et régionale par un surcroît de compétences déléguées à notre région nous paraît nécessaire à la prise en compte de notre situation régionale. Nous considérons que la promotion de notre identité culturelle et linguistique nécessite une forte autonomie régionale dans les domaines de l’éducation, de la culture, des médias et de l’organisation des services publics. Tout particulièrement, des compétences supplémentaires dans l’éducation sont nécessaires pour que soit pris en compte de manière appropriée un enseignement dans la langue régionale et de l’histoire régionale.
L’enseignement et l’information sur l’histoire réelle de notre région sont indispensables pour que ses habitants puissent s’y reconnaître. Pour affermir le lien social, créer un sentiment d’appartenance nécessaire à la solidarité et pour avoir une stabilité dans les processus de transmission, l’enseignement de l’histoire et des cultures de notre région est essentiel. C’est ainsi que nous pourrons faire aimer ce pays par tous ceux qui y vivent, afin qu’ils en deviennent tous les héritiers.
De vraies compétences bilingues et la reconquête de la double culture doivent permettre à l’Alsace de concrétiser sa vocation rhénane alors que celle-ci reste actuellement largement théorique. La coopération transfrontalière suppose que nous connaissions vraiment nos voisins dans leur langue et dans leur culture qui, paradoxalement, sont aussi les nôtres.