Jean-Paul de Dadelsen: à propos de Nathan Katz

« Nathan Katz : il faut aller à ce nom avec la simplicité et l’humilité qui sont siennes. Pas de grands mots de critique ou de journaliste: lyrique, écrivain, dramaturge. Katz n’est pas un « artiste» en uniforme: lavallière et feutre large. Katz est poète: rien de plus, ou plutôt rien de moins. Si tu le rencontrais dans la rue, tu ne dirais pas du tout: « C’est un écrivain », mais tu serais frappé par ses yeux où il y a ce rêve et cet enthousiasme que tu n’as plus.

Et il faut le voir dans son village, chez lui. Car je te dis: « Katz est du Sundgau » comme je te dirais : « Cet arbre est du Sundgau ; cette herbe pousse dans le Sundgau ». Je me représente Katz comme une plante qui aurait poussé là et qui serait tout simplement une plante du Sundgau. Non pas une fleur orgueilleuse et fade, mais une fleur humble, discrète, parfumée et vigoureuse. Car il y a de la sève dans sa poésie.

Il a derrière lui de longues générations de paysans qui ont labouré, qui ont semé et qui ont fait l’amour, l’amour dans les chaudes alcôves au parfum dense et vieux. De là cette poésie profonde, mûrie et comme juteuse, qui fait penser à un fruit plutôt qu’à une couleur ou à une mélodie.

Cette poésie est vaste comme l’amour, grave comme une religion. Katz est profondément religieux, religieux comme l’était l’homme primitif devant la nature, religieux comme pouvait l’être un paysan grec.

Ne fais pas la moue si je te dis que ce livre est écrit en alsacien. Langue merveilleuse quand on l’écrit comme Katz et qui donne bien à sa poésie cette odeur de terre et de motte ; langue âpre, sonore, et solidement charpentée, avec de longues voyelles troubles, qui convient merveilleusement au génie de cette race. La poésie de Katz doit s’exprimer dans sa vraie langue. Reproche-t-on à Mistral d’avoir écrit en provençal ? Mais que nous parler de Mistral? Nous avons Katz. Et peut-être sera-ce lui qui écrira l’épopée de ce peuple-ci ».

 

Gravure de Nathan Katz par le peintre Henri Solveen en 1927

[Le texte est paru dans l’Express de Mulhouse du 22 juin 1930 pour saluer la parution de Sundgäu, Dialekt-Gedichte de Nathan Katz, Colmar, 1930.] [Jean Paul de Dadelsen : La beauté de vivre. Poèmes et lettres à l’oncle Eric – Edition: Arfuyen pp 100-101]

Jean Paul de Dadelsen, écrivain alsacien francophone (1913-1957) a fait partie avec Eugène Guillevic du cercle des amis de Nathan Katz.